Le dernier roman de Léonora Miano explore plus profondément que les précédents les rapports des continents africain et européen à travers les destins croisés de trois personnages à la même couleur de peau: Schrapnel et Amok sont africains tandis qu'Amandla, métissée, est antillaise. Tous trois vivent dans une grande ville européenne, jamais nommée, comme tous les lieux dans les romans de l'auteur dont le rôle est surtout symbolique. Dans ce récit, à la différence des deux derniers, l'intrigue se déplace vers l'Occident, où les protagonistes ont "choisi" de vivre dans l'attente d'une autre vie qu'il leur reste à construire.
Amandla a émigré vers la métropole "babylonienne" qu'elle souhaite ardemment quitter pour retourner à la source du peuple kémite (= noir) dont elle est issue, sans jamais mettre son projet à exécution, jusqu'à sa rencontre avec Amok qui va lui faire prendre conscience de sa velléité et changer peut être son destin.
Schrapnel, lui, a souhaité connaître la puissance de ce "peuple du nord" qui a mis fin à la vie communautaire qu'il menait au coeur de la forêt équatoriale, organisée autour d'un arbre tutélaire, Shabaka, garant des valeurs de la tribu, veillant sur les vivants et les morts. Il rêve depuis de forger une communauté noire qui permettra à son peuple de retrouver sa dignité, mais son penchant pour les belles jeunes filles européennes compromet ses chances de réussite...
Son ami de lycée, Amok, issu d'un milieu bourgeois, a été envoyé en Europe pour y poursuivre ses études, ce qui lui a permis de fuir l'atavisme de son patronyme, entaché de relations très étroites avec les colons, responsables des désordres du "continent". Il a également fui la violence conjugale d'un père qui battait sa mère sans que cette dernière n'ait jamais acceptée d'être défendue. Des trois, c'est le plus lucide mais aussi le plus à la dérive, lesté par le poids de son passé qui condamne toutes les issues, jusqu'au sursaut final...
Ces "astres éteints" brillent d'un feu intérieur qui a du mal à s'imposer à l'extérieur; leur trajectoire peine à aboutir... Leur quête d'identité côtoie la souffrance, le manque de confiance, l'indifférence et se heurte au mur qui sépare encore ces deux cultures.
Comment assumer leur coexistence dans l'intimité mais aussi dans leur rapport à autrui, qu'il soit blanc ou noir? Cette question ne trouve pas vraiment de réponse mais Léonora Miano emploie ses grandes qualités d'analyse du rapport Afrique/Occident pour éclairer le lecteur sur leur complexité. Entre psychanalyse et "réflexion culturelle", le roman cède du terrain à l'essai grâce aux longs passages explicatifs sur les origines et la culture des protagonistes. L'écriture est moins aboutie que dans son dernier roman; le choix des phrases courtes, souvent non verbales se justifie par la volonté de frapper les esprits. La réflexion, plus approfondie, donne un éclairage précieux sur les rapports passionnels entre ces deux cultures.
1 commentaire:
Je souhaite pratager ma dernière co-lecture : un ouvrage de peu de pages, "touche à tout", pour un public frais et nouvellement né. Ce sont 4 pages enlevées et colorées qui donnent aux sens matière à s'épanouir. A mettre en toutes les jeunes mains, sous tous les regards neufs. A tous ceux qui veulent redécouvrir le papillon, la coccinelle, le poisson, la fleur ou le poussin, Paolo, lecteur sous le charme, vous conseille cette lecture.
Bien à toi,
Marie
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