L'homme nomade est un essai passionnant de Jacques Attali qui a pour ambition de retracer l'histoire de l'humanité depuis la Préhistoire jusqu'à un futur très lointain, passée au crible du nomadisme. Il jette un nouveau regard sur les épisodes de l'Histoire en montrant, par exemple, comment Jehoshua (Jésus) demande à ses frères hébreux "de tout abandonner pour le suivre et se faire nomades" comme lui; ou encore en affirmant que la théorie de la réincarnation serait une sorte de "nomadisme des âmes".
Il s'attache à réhabiliter les peuples nomades qui dans notre culture et notre approche de l'Histoire tendent à être perçus comme dangereux, voire comme des hordes de sauvages (cf. les Huns). Il passe en revue l'histoire de chaque peuple nomade dans tous les coins du monde et montre comment ces derniers se heurtent fatalement à un Etat, par essence sédentaire, qui met à mal leur culture et leurs traditions en les réduisant en esclavage pour certains (les Africains) ou en les parquant dans des réserves pour d'autres (les Indiens d'Amérique).
La présentation de l'histoire du peuple juif et du peuple tzigane est particulièrement intéressante car elle est abordée dans sa globalité et sa différence par rapport à d'autres peuples plus conquérants.
Dans le prolongement de l'histoire de ces peuples, il donne, à la fin du roman, sa vision prospective du monde et propose une utopie qui, selon lui, surviendra après le déclin de l'empire américain (en écho au déclin de l'empire romain au V siècle) et les nombreux chaos qui en découleront. Il s'agit d'une "démocratie planétaire durable [qui] suppose de donner à chacun les moyens de vivre l'enracinement comme une découverte et le voyage comme un répit; de se poser en nomade et de se déplacer en sédentaire, d'errer même immobile, de méditer même en bougeant".
La lecture de cet essai, très riche et très dense, m'a passionné mais elle nécessite du temps et je l'ai "consommé avec modération". C'est cette vision globale de l'Histoire de l'humanité qui m'a le plus marqué car je n'avais jusqu'à présent qu'une vision parcellaire et largement incomplète. Au contraire, l'auteur dresse des ponts entre les différentes civilisations et montre ainsi que la dynastie des Han, en Chine, au II siècle avt JC était bien plus puissante et riche qu'un empereur romain à la même époque; ou encore que les peuples d' Amérique, coupés du reste du monde, n'avaient pas eu accès aux chevaux et leur développement avait pris une toute autre tournure que ceux d'Europe ou d'Asie... Il est impossible de recenser la multitude d'informations que contient cet essai mais j'espère vous avoir donné l'envie de vous plonger dans sa lecture...
Merci Olivier pour cette recommandation qui passionnera sûrement d'autres lecteurs !
3 commentaires:
ça a l'air passionnant....
Moi aussi ça me donne bien envie. J'avais entendu Atali à la radio présenter son "utopie". Mais j'étais plutôt réticente car je pensais qu'Atali était un pragmatique convaincu passionné de Realpolitik, si tu vois ce que je veux dire... Mais vu ta présentation, pourquoi ne pas se plonger dans cette vision de l'humanité et cela pour au moins une bonne raison: avoir une vision de l'humanité dans sa globalité temporelle c'est déjà en soi très intéressant! En tout cas merci pour ce commentaire très détaillé et aussi de m'avoir fait toucher du doigt l'utilité d'un blog (j'étais pas convaincue)!!!
En réponse à Séverine: je ne sais pas bien ce qu'est la Realpolitik mais cet homme est passionné et passionnant; dans son dernier livre, il reprend des thèses développées dans L'homme nomade me semble-t-il après l'avoir feuilleté en librairie. Merci pour tes encouragements ! si tu veux, faire partie des rédactrices, c'est très simple, fais moi signe, je t'expliquerai !
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